Découvrez en replay un nouveau numéro d'Écriture.s sur la vie et la mort. Dans cette émission diffusée dimanche 11 février, Marion Muller-Colard part à la rencontre de Camille de Villeneuve, auteure et professeure de philosophie, qui la reçoit chez elle, dans sa maison familiale des Landes. Ensemble, elles discuteront de l’Evangile de Jean, chapitre 12, verset 25 : "Qui aime sa vie la perd, et qui hait sa vie en ce monde la conservera pour la vie qui ne meurt pas ". Pour prolonger et illustrer leurs réflexions, elles iront aussi à la découverte de Thomas Dufau, matador de taureaux, qui évoquera son rapport à la mort, induit entre autres par son métier.
De nombreux auteurs pétrissent leurs œuvres de références, d’allusions ou de citations directes de la Bible. Que nous en disent-ils ? Quel regard portent-ils sur elle ? : "Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle." Jean 12:25
Robert Badinter est mort. RIP. Doucement, depuis le 9 octobre 1981, la sémantique a glissé, l’abolition de la peine de mort s’est muée en tentative d’effacement de la mort du paysage social. Dans ce contexte très particulier et majoritairement urbain, il faut l’avouer, la tauromachie, les abattoirs, les chasseurs n’ont pas bonne presse. La mort embarrasse. Ailleurs pourtant, elle enjaille. Alors, trouverons-nous un jour un juste milieu ?
Plus les êtres et les âmes en silence nous hantent et nous gênent, plus le temps nous presse. Il ne nous a jamais autant pressé. Quand les uns sont pressés de vivre, de "ressentir" des sensations intenses, fortes, les autres, sont pressés de se reconnecter avec leur "être intérieur" de peur que, redevenu sauvage, il ne s’échappe et grimpe au plafond, débridé, décomplexé façon Almodovar.
Plus loin nous repoussons la mort, plus, chaque jour, elle nous invective et se rappelle à nous par écrans interposés, gaming, guerre, faits divers, sirènes hurlantes, infos. Les shooters, un temps réservés aux consoles de jeux, abondent maintenant dans nos fictions, quand ils ne sont pas dans nos rues ou cours d’école. Tyler Rake, Voleuses, AKA, John Wick… le vide des scenarii se remplit de cadavres sans visages.
Vivrions-nous en bicéphale : d’un côté ceux qui tirent en rafale, ce qui transpercent de clous vs, de l’autre côté, ceux qui détournent les yeux et dorment alors que la faucheuse rôde ? N’existerait-il aucun autre chemin vers la mort que, d’un côté la provoquer ou, de l’autre, tenter, sans espoir, de l’éviter ? C’est cette troisième voix qu’offre la tauromachie. Le torero affronte le taureau, le matador le met à mort.
La bête est là, sous nos yeux, impossible d’y échapper. Si elle nous hypnotise, nous mourrons ; la prendre par les cornes serait folie, lui tourner le dos, de l’inconscience ; sortir de l’arène, est impossible. Alors quoi ?
Alors on danse.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes voués à danser en ballerine sur les tombes de nos petites misères, de nos démons, de nos peurs, de nos dépressions, de nos manques, de nos faiblesses, de nos pêchés, de nos abus, de notre arrogance, de nos haines, de nos rancœurs, de nos amertumes, de nos colères, de nos regrets, de nos égoïsmes, de nos impossibilités. On ne dit pas non à la mort. On l’embrasse et soi elle vous tue soi… ? À vous de voir.
Écriture.s – La Vie, la Mort, une émission et préparée et présentée par Marion Muller-Colard et réalisée par Denis Cérantola Avec Camille de Villeuneuve, Professeur de philosophie et auteur du Dernier Torero (Gallimard, 2023)
Christophe Zimmerlin pour Présence Protestante